THE RED LINE * LA DERNIERE INTERVIEW DE GEORGE MICHAEL * 2 *
Publié le 8 Décembre 2017
KY – Le dévouement de George à sa musique a payé, son premier album solo FAITH a été un immense succès des deux côtés de l’Atlantique. A ce jour, il s’est vendu à plus de 25 millions d’exemplaires et lui a permis de remporter un Grammy pour l’album de l’année. Sa pochette iconique a consolidé son image de sex symbol.
KY – Je pense à Faith et je pense à l’image : j’ai revu tout cela avant de venir te parler et je suis choquée par son look toujours actuel. Tu as dit que tu n’étais pas à l’aise pour vendre ton image mais bon sang c’était vraiment une très forte et puissante image ! Etait-elle celle dont tu rêvais ou quelqu’un de très bien payé par ta maison de disques t’a pris en main et t’a dit de porter ce blouson, de te tenir comme ça et de mettre ces lunettes de soleil ?
GM –Non, personne ne m’a jamais dicté mon look ou ne m’a dit ce que mon image devrait être. Bizarrement le photographe qui a pris cette étrange photo, où on dirait que je renifle mon aisselle, je ne sais pas pourquoi j’ai choisi cette photo, j’aimais le … c’était, je pense qu’un photographe comprend : c’est la composition de l’image que j’aime mais on dirait que je sens mon aisselle, c’est un peu bizarre. Ce sont les fringues que je commençais à porter et personne ne m’a dit d’acheter ceci, ni de ressembler à cela. J’ai tout choisi moi-même et pour moi la chose la plus importante était les lunettes de soleil, parce que je pouvais me cacher derrière, et cela voulait dire qu’il y avait tellement de regards sur moi. Et maintenant à 53 ans, je me dis « Oh mon Dieu tu étais superbe » mais je ne le pensais pas du tout à l’époque ; je doute toujours terriblement au sujet de mon physique.
KY – C’est quelque chose que je ne comprendrai jamais. Je t’ai entendu dire cela des centaines de fois et je ne n’intègre toujours pas.
GM – Je l’ai intégré mais je sais pourquoi je n’ai jamais eu confiance dans mon physique, malheureusement cela remonte à un contexte familial dysfonctionnel où la vanité était considérée comme un péché absolu et cela incluait le physique. Personne n’était donc félicité sur son apparence et certaines choses ont été dites, qui te couperait le souffle si tu les entendais, d’un parent à son enfant, mais elles m’ont été dites et je ne les ai jamais oubliées. C’est aussi simple que cela, mais maintenant que je vieillis, je me dis « mon Dieu, quel gâchis, tu aurais pu avoir un ego de la taille du Taj Mahal »
Tu aurais pu avoir tout le monde et je n’avais aucune conscience de cela, je n’en avais aucune idée.
KY – Penses-tu que les lunettes de soleil étaient le début d’un recul ? Est-ce que c’était une façon de dire « je suis là mais pas vraiment ? «
GM – Je pense que les lunettes étaient le 1er signe que la situation dans ma vie commençait à être lourde à porter, quelque chose dans lequel je ne croyais pas, l’image : c’est l’essentiel de ce qui s’est passé entre Faith et Listen Without Prejudice, un jeune homme adulé par des millions de personnes mais qui ne pouvait pas comprendre pourquoi et s’est dit, si j’enlève cette image, si j’enlève ce visage, je verrai s'ils m’aimeront toujours.
KY – Et après, qu’as-tu ressenti ? car ils t’aimaient toujours ?
GM – Je me suis senti plus fort quand j’ai réalisé qu’il y avait plus que cela, que le musicien était toujours reconnu même sans visage. Je me suis senti plus fort et plus calme et j’ai aussi rencontré mon premier amour. Je savais qu’il n’était pas loin mais je savais aussi que je ne le trouverais pas sans arrêter ce tour de montagnes russes, de descendre et de laisser mon cœur commander mon cerveau, plutôt que ce fil rouge qui montait, montait, montait ….
KY – Je pense qu’il est impossible pour quelqu’un qui a une vie « normale » ou « traditionnelle » de comprendre la tienne à ce moment-là. C’est Oprah Winfrey qui a dit « Si vous ne savez pas qui vous êtes quand la célébrité vous tombe dessus, c’est elle qui vous définira « et je pense qu’elle parlait des personnes très jeunes qui sont embarquées dans ce tourbillon.
GM – Exactement, c’est très puissant et c’est très vrai. C’est aussi la bataille que j’ai mené avec moi-même pendant les 6 ou 7 premières années de ma carrière parce que je ne pense pas que l’on sache qui on est tant que notre sexualité ne s’exprime pas correctement et que l’on cherche l’amour. J’ai passé 6 ou 7 ans de ma vie à travailler, encore et encore, composer de la musique, encore et encore comme si la musique était l’amour qui me contrôlait. Puis j’ai eu cette envie de m’en échapper pour trouver un vrai amour, pas un de ceux qui me contrôlaient mais un vrai amour néanmoins je voulais continuer à donner à tous ces gens qui avaient rendu ma vie si belle de bien des façons pendant 5 ou 6 ans, plus de musique. Je n’en avais pas encore assez. Vendre tous ses disques voulait dire que tous ces gens voulaient entendre ce que je disais, ma façon de chanter, le son de ma voix, le nombre de personnes qui ne comprennent même pas de quoi vous parlez dans vos chansons mais ils adorent ça. C’est une telle manifestation d’amour cette musique dans votre vie et j’avais des millions d’amoureux que je n’avais jamais vu d’un côté, sauf sur scène mais j’en méritais un seul, juste un d’entre eux pour moi.
Je savais que la seule façon de trouver cette personne était de sortir de ce tourbillon, le temps de reprendre mon souffle et espérer trouver cette personne puis de revenir dans ce tourbillon en sachant qui j’étais.