A DIFFERENT CORNER * DANS LES COULISSES DU TOURNAGE DU CLIP AVEC KEN BARROWS *
Publié le 24 Mars 2020
Vous savez que j'aime particulièrement publier des témoignages de professionnels ayant eu la chance d'approcher et de travailler avec George Michael : je vous propose aujourd’hui une interview toute récente de Ken Barrows, cameraman américain ayant participé au tournage du clip de George Michael pour le titre A Different Corner.
Un immense MERCI à Romain, grand fan de George Michael qui a été en contact avec Ken Barrows : il l'a interviewé et partage avec nous ici leurs échanges.
Dans les coulisses du clip de A Different Corner :
Entretien avec le caméraman Ken Barrows
Ken Barrows est un caméraman américain installé depuis plus de quarante ans en Californie. Il commence à travailler dans l’audiovisuel en 1979, puis c’est à partir de 1981 qu’il se spécialise dans les clips vidéo. Il a participé à des tournages pour des chansons marquantes des eighties comme Like a Virgin de Madonna (1984), Reggae Night de Jimmy Cliff (1984), Everybody Wants to Rule the World de Tears for Fears (1985), Sign o' the Times de Prince (1987), Political World de Bob Dylan (1989) : et la liste est encore longue (l’ensemble des clips auxquels il a participé se trouve sur le site IMVDb) ! Aujourd’hui, Ken Barrows continue toujours de tourner des clips, parfois comme réalisateur, et travaille également pour la télévision. Il a très gentiment accepté de répondre à nos questions sur le tournage du clip de A Different Corner de George Michael auquel il a bien évidemment participé en mars 1986.
- Où le tournage s’est-il déroulé et combien de temps a-t-il duré ?
Ken Barrows : Nous avons tourné à Los Angeles. Je crois que c’était aux Raleigh Studios, à Hollywood, mais je n’en suis pas sûr. Ça nous a pris une journée entière, environ douze ou quatorze heures.
- Quel était exactement votre rôle et qui était présent sur le plateau de tournage ?
K.B. : L’équipe technique se composait à peu près d’une trentaine de personnes. Je m’occupais exclusivement de la caméra avec deux assistants. Je crois me souvenir que le réalisateur était Duncan Gibbins. Par contre, je me rappelle très bien du directeur de la photographie qui était britannique : il s’appelait David Watkin. Il venait tout juste de remporter un Oscar pour le film Out of Africa avec Meryl Streep.
- Les images de ce clip sont assez particulières. Tout est blanc autour de George Michael. Comment cela a-t-il été rendu possible au niveau des lumières ?
K.B. : Le noir et blanc semblait revenir à la mode, ça donnait un petit côté « rétro ». Je trouve qu’il convenait bien pour cette chanson, il aurait été peut-être moins approprié pour l’univers assez coloré de Madonna à cette époque. Le clip de George Michael a été tourné sur une pellicule 35 mm de la marque Kodak Plus-X spécialement conçue pour le noir et blanc. David Watkin a ensuite utilisé de larges lumières pouvant créer des ombres assez douces. Vous voyez le grand mur derrière George ? Il était recouvert de réflecteurs blancs qui renvoyaient une lumière d’à peu près 8 000 ou 10 000 watts suspendue au-dessus du plateau. Je crois me souvenir qu’il y avait aussi un imposant projecteur émanant de la fenêtre derrière George pour pouvoir avoir une lumière blanche.
- Et au niveau de la mise en scène ?
K.B. : Je sais que j’ai utilisé une caméra Louma, surtout lorsque nous voyons George en plongée (c’est-à-dire vu d’en-haut). C’était difficile car en 1986, on vivait les débuts du clip vidéo et notre matériel n’était pas forcément à la pointe de la technologie. En plus, on tournait en noir et blanc ! Tout ce que je pouvais voir derrière mon œilleton c’était une grande
surface blanche et des contours grisâtres qui me permettaient de reconnaître le visage de George. Ça demandait une grande concentration pour les mouvements de caméra parce qu’on ne pouvait pas vraiment se repérer dans tout ce décor blanc !
- Ce clip ne semble pas avoir été trop onéreux en terme de budget semble-t-il ?
K.B. : Oui, il reste très simple dans sa forme. Je ne suis pas spécialiste dans ce domaine, mais les clips avaient à l’époque un aspect promotionnel et commercial avant tout.
- Comment s’est passé le tournage pour George Michael ?
K.B. : Les gens qui dirigeaient le tournage savaient exactement ce qu’ils voulaient. Tous les mouvements de George étaient quasiment chorégraphiés, notamment le plan avec le téléphone. Tout semblait avoir été écrit à l’avance pour faciliter le travail de George, qui savait exactement quoi faire sur le plateau. Du coup, il n’était pas forcément libre pour interagir avec l’équipe technique, mais j’ai quand même pu échanger quelques mots avec lui.
- Avez-vous été satisfait du résultat final ?
K.B. : Quand je l’ai regardé pour la première fois, j’étais assez content du résultat. J’adore le noir et blanc. Certaines images que j’avais aimé tourner avec George ont été coupées au montage, mais je n’avais pas mon mot à dire ! Ça fait partie du métier : même si ce sont des images que vous adorez, elles seront certainement condamnées à rester aux oubliettes...
- Quels souvenirs gardez-vous de cette époque ?
K.B. : J’adore la musique et j’ai vraiment passé de bons moments en travaillant sur ces tournages. Je continue toujours de participer à des clips, mais ça n’a plus rien avoir, car ils ne sont plus aussi importants aujourd’hui. L’industrie musicale a changé de stratégie à ce niveau-là. Lorsqu’un groupe sortait un album à l’époque, il partait en tournée et sortait un clip pour en faire la promotion. Les artistes n’avaient d’ailleurs pas toujours envie d’être sur un plateau de tournage entre deux dates de concert ! À l’heure d’internet et du streaming, peu de gens achètent encore des albums et les groupes gagnent essentiellement leur vie en faisant des spectacles. Les labels discographiques n’ont pratiquement plus de budget pour les clips et les artistes doivent investir leur propre argent s’ils veulent en faire un. Le business a changé.
Entretien téléphonique et traduction menés le 20 mars 2020 par Romain.