Interview du Guardian Week magazine (5 décembre 2009)
Publié le 5 Décembre 2009
Morceaux choisis (j'ai volontairement enlevé résumé de carrière et retour sur histoires évoquées maintes fois)
Juste au moment où j’arrive devant la maison de George Michael, un gros Land Rover se gare en même temps que moi et un homme avec des lunettes de soleil en sort. Immédiatement deux femmes sautent de leur petite voiture garée en face,courent vers lui, haletantes et tremblantes. Elles sont d’âge moyen, allemandes et semblent avoir attendu longtemps, des heures, peut-être des jours. « Pouvez vous faire une photo avec nous s’il vous plait ? » demandent-elles. George Michael accepte avec un sourire disponible. Il fait froid et il y a du vent. « Pouvez vous nous signer ceci ? » demandent les femmes. Elles lui présentent tout un tas de documents sur lui. Il le fait mais le sourire n’est plus si chaleureux. »je dois rentrer maintenant Mesdames, merci »
Comme nous nous retirons, elles lui disent qu’elles ont le vertige et qu’elles sont bouleversées et que ce jour est le plus beau de leur vie. « nous avons entendu la nouvelle chanson de Noël , elle est magnifique » dit l’une. « Oui magnifique » renchérit l’autre « plus belle que Last Christmas « .
En refermant la porte, Michael me dit qu’elles ont eu de la chance que je sois là sinon il les aurait envoyé promener.Vraiment ? « non, qu’est ce qu’on peut faire ? si en plus elles viennent de loin, on ne peut pas être méchant. »
Une des nombreuses horloges de grand péres de la maison sonne six coups.
Elles ressemblaient plus à des rodeurs qu’à des fans, dis-je. Michael sourit.Il en sait beaucoup sur les rôdeurs. »il y a une femme, elle est rentrée dans ma maison 7 fois, la police n’a rien fait.Et un jour, je l’ai vu en face de chez moi portant mes habits. »
A l’extérieur dit-il, il y a 2 paparazzi payés par un tabloid qui sont là en permanence attendant l’incident.
Michael est accueilli par ses 2 labradors et monte à l’étage allumer le feu. Pendant ce temps, je regarde autour de moi. La 1ere chose que l’on remarque est une grande peinture de Harland Miller . Sur un autre mur, un dessin de Picasso. La maison est remplie de lys et de roses. Dans le salon, il y a 2 coussins sur le canapé – un marqué Kenny et l’autre George. Il vit ici avec son petit ami Kenny Goss. Sur la table, il y a un des plus gros livres que j’ai jamais vu, sur Michelangelo, assez large pour dormir dessus.
Il redescend et m’offre un verre de vin. Mais il ne peut trouver de tire-bouchon « vous voyez comme je bois souvent » Je l’avais interviewé la derniére fois il y a 4 ans. Il sortait d’une décennie horrible et il se disait maudit.Tellement de proches étaient décédés – sa mére, son petit ami et même le chiot qu’il avait pris pour remplacer celui agé , s’était noyé .
Il est mieux aujourdhui, plus fort et plus grand. « j’étais certainement plus shooté à l’époque. Je tenais grâce à un mélange d’herbe et de Starbucks » dit-il en se roulant un joint. Un sac d’herbe et une demi-douzaine de pillules sont sur la table en face de lui.
A quoi servent ces pillules ? « occupez vous de vos affaires. Non, il y a des vitamines, d’autres pour arrêter de fumer et d’autres pour mon dos » Dans les mauvais jours, il avait reconnu fumer 25 joints par jour et était inquiet des dégats sur sa voix. « j’en fume entre 6 à 7 par jour en ce moment » Cela a été un soulagement de découvrir qu’il pouvait chanter comme avant pendant sa tournée. Sa voix est plus mature, plus riche »je ne l’utilise pas aussi régulierement que les autres professionnels. C’est peut-être pour cela que je l’ai conservé. Je suis très fier du DVD Live. »
La derniere fois que je l’avais vu, il avait un blocage créatif. Plus maintenant. La plupart du temps, dit-il, il est en studio.Il fait tellement de choses qu’il ne sait pas par où commencer. Comme quoi ? Tout à coup il devient trés réservé. « j’ai de super trucs mais je ne sais pas si je dois les sortir ou pas. « dites m’en plus » « je ne peux pas » « une petite ébauche ? » « je ne peux rien vous dire , disons que mon futur prévisible en terme de musique est assez schizophrénique » « quel type de musique ? » « je ne peux rien dire »
Peut-être que c’est la chose la plus étrange sur Michael – la disjonction entre ce qu’il estime public ou privé. Pendant des années, il était si embarrassé avec sa sexualité que son côté privé était hermétiquement clos. Il a dit que son coming out avait pris beaucoup de temps car il ne voulait pas inquiéter sa mére. Mais maintenant, c’est comme si plus rien ne l’embarrassait. C’est moi, que vous l’aimiez ou pas. Sa vie privée est devenue totalement publique.On sent qu’il se sentirait hypocrite de ne pas répondre à des questions sur la drogue ou le sexe. En même temps, son côté public – sa musique – est devenue privée. Poser trop de questions sur sa musique est un acte d’intrusion , presque du voyeurisme.
La nouvelle la plus inquiétante a été son arrestation à Hampstead Heath l’année dernière, pour possession de crack. Il hausse les épaules d’un air méprisant.
Fume-t-il du crack ? « non »
En a-t-il déjà fumé ? « non »
« ce que je veux dire, j’ai fait des choses que je n’aurai pas du faire une ou deux fois, vous voyez » je lui dis que je déteste penser à lui et au crack »bien sur, bien sur, personne ne veut fumer du crack régulièrement » je me sens parental à ce moment là, il est difficile de ne pas s’inquiéter pour lui – pour sa paranoia, son imprudence et son égocentrisme – il transpire l’intelligence, la chaleur et la générosité « regardez moi dans les yeux » dis-je « avez-vous fumé du crack ? »
« Est-ce que j’en fumais ? à cette occasion ? oui «
« Quand en avez-vous fumé pour la dernière fois ? »
« je ne vais pas vous répondre. Ce que je vais vous dire, peu importe ce que je fais, j’ai donné 105 très bonnes performances, et aucun de mes musiciens ne pourra dire qu’ils m’ont vu en mauvais état »
Il se roule un autre joint. Il y a quelques mois, il a été victime d’un terrible accident avec un poids lourd. « Il est venu dans ma file, je n’avais nulle part où aller et j’ai fini entre lui et le terre plein central et je dois dire que c’est sacrément fantastique que je sois encore en vie »
L’accident lui a fait réaliser certaines choses « si ce poids lourd m’avait tué, je pense que j’aurais pu être très satisfait de la qualité de la musique que j’aurai laissé derrière moi. Mon ego est satisfait » Michael a toujours été très préoccupé par son ego – reconnaissant qu’en avoir trop était dangereux et s’il en avait eu trop peu, il n’aurait pu réussir ce qu’il a fait. « je regarde les gens qui ne sont plus guidés par la créativité et je me dis que ça doit être triste de toujours faire la même chose. Si vous sentez que vous ne pouvez pas faire quelque chose de nouveau, alors ne faites rien »Il dit que les albums appartiennent au passé, qu’il faut travailler differemment aujourdhui . »ce que je veux aujourdhui c’est un peu plus d’intégration par rapport à qui je suis. Cela fait 10 ou 12 ans que je vis en temps qu’homme gay et je suis une personne différente. Je pense qu’il y a des choses sur mon parcours qui pourrait être utile à d’autres, et revenir avec un disque numéro 1 semble ne plus être suffisant » Il reprend sa réserve et dit qu’il en peut rien dire de plus.
Pourquoi aime-t-il draguer dans les parcs alors qu’il peut avoir qui il veut ? Il semble hébahi par la question. « Mais j’ai qui je veux. Mais j’aime un peu de tout. J’ai des amis par là et on se marre bien »
Retour vers une journée typique de George : « je me léve vers 10 heures, mon assistant m’apporte un café starbucks, je regarde mes mails. Pour l’instant il n’y a rien de plus important que de garder un œil sur la vidéo qui se prépare pour la chanson de Noël. Ensuite, si je suis d’humeur, je vais à mon bureau à Highgate travailler, écrire ou autre. Quand je reviens à la maison, Kenny est là, les chiens aussi. Nous mangeons dans le coin, nous sortons, revenons et faisons l’amour, ou amenons quelqu’un pour baiser » Il rit – il exagére « ce n’est pas tous les jours – à peu prés deux fois par semaine –«
Parle-t-il de coucher avec Kenny ? « trop personnel mec » mais bien sur avec Michael, il y a toujours une réponse impulsive. « si je parlais de Kenny, je ne l’inviterai pas dehors, non ? » il attend, inquiet d’avoir donné la mauvais réponse. « Kenny a sa part, croyez moi » Il y a eu des rumeurs de séparation, mais Michael, encore, parle d’absurdités.
Il parle de sa récente tournée et de son DVD, et dit que pour lui, cela représente le point culminant d’une phase de sa carrière. A nouveau, il ne dit pas quand la nouvelle phase commencera ni avec quoi.
Même si il défend son droit à prendre de la drogue, il est conscient qu’elle le ralentit. »la meilleure réponse pour moi est de rester occupé. Si je suis occupé, je ne m’assois pas pour fumer » Il a reçu une énorme avance de Harper Collins pour son autobiographie, mais il va la restituer. –il dit que ce n’est pas le bon moment, ajoutant avec une grimace de gêne que quand il a signé le contrat, il n’avait pas réalisé que la maison d’édition appartenait à Murdoch. Avant de bien écrire sur lui, il pense avoir des progrés à faire. »il y a des choses que je dois mettre à plat. Et je pense que je serai un bien meilleur écrivain quand ce sera fait.Mais c’est fascinant de voir qu’à 46 ans je suis encore une personne changeante. »
Aime-t-il l’homme qu’il est devenu ? « oui, merci Dieu. Les traces les plus visibles du dégout que j’avais pour moi ont disparu »il se voit comme un survivant et apprécie cette sensation « je suis surpris d’avoir survécu à mes propres désordres »
Ce qui est marrant dit-il, est que tout ce qui lui est arrivé ces dernières années, l’ont fait se sentir plus normal. Quand on le voyait comme Monsieur Parfait, il se sentait en fraude – savoir que tant de personnes l’enviaient le mettait mal à l’aise. Et d’une certaine façon, être un héros défectueux ou un anti-héros, rendait la vie plus facile à supporter.
« les gens veulent me voir tragiquement avec ces histoires de drague et de drogues.. ces choses ne sont pas ce que à quoi les gens aspirent, et je pense que ça enléve aux gens l’envie de voir vos faiblesses » il s’arrête « je ne vois pas cela comme des faiblesses à présent, c’est juste ce que je suis. »
http://www.guardian.co.uk/music/2009/dec/05/george-michael-interview-music-sex-drugs