Publié le 28 Mars 2020

En tant qu'admiratrice de George Michael, mon plus grand rêve était non pas de le rencontrer mais de le voir travailler ... sur scène c'était déjà incroyable : une interprétation si vraie, parfois qui semblait même douloureuse . Mais le voir créer, assister à des enregistrements, des essais , cela aurait été magique ...

Rare sont les collaborateurs de George Michael qui ont témoigné à ce sujet.

En Décembre 2019 James Jackman, dont je vous ai déjà parlé ICI a donné une interview très intéressante au magazine CLASSIC POP : en voici ci-dessous, en français, quelques morceaux choisis.

Bienvenue dans les coulisses d'un créateur de génie ! et j'espere que vous apprécierez autant que moi ces révélations :)

L'album que George était en train de préparer quand il nous a quitté aurait été sans aucun doute un retour en règle.
C'était un album rythmé, un FAITH du 21eme siecle.
George était excité, comme toutes les personnes qui y travaillaient avec lui.
Après avoir achevé 25 Live et Symphonica, George voulait et savait qu'il devait revenir avec un album, il le voulait positif .
Avec Older et Patience, il y avait beaucoup de pertes dans la vie de George.
Ce sont des albums personnels très émouvants et George était prêt à revenir avec quelque chose de lumineux.
Les médias aiment faire tomber les stars mais ils aiment aussi les comeback, et George était comme Lazarus

James Jackman

Cependant les fans ne doivent pas s'attendre à une abondance de nouveaux titres à venir.

(Le catalogue de George est contrôlé par ses successeurs, à savoir son manager et ami d'enfance David Austin, ses sœurs et son père )

George a terminé entièrement 4 chansons pour son dernier album, dont This is How. 

Un certain nombre de titres ont été travaillés et développés mais pas terminés.
Vous avez un couplet et la moitié d'un refrain, ou un guide vocal sur un titre complet mais sans chœurs.
George était un tel perfectionniste et avait le total contrôle de sa musique.
Ce serait irrespectueux d'essayer de finir les chansons à sa place.
La famille de George ne veut pas tout à coup sortir tout un tas de démos, ils veulent seulement des chansons avec lesquelles George se sentait bien. Cela concerne également des titres de vieilles sessions de George.
Comment les trois autres titres sortiront et sur quels projets, je n'en sais rien.

James Jackman

DANS LES COULISSES D'UN CREATEUR DE GENIE * GEORGE MICHAEL *

Ce que l'on ne savait pas ...

*This Is How est au départ une piste audio que James Jackman a fait parvenir à George en 2012. Celui-ci a téléphoné à James, trés enthousiaste et lui a dit " J'ai une accroche terrible pour cet audio, je peux vraiment entendre que ça va fontionner" et George lui a fait écouter par téléphone. C'était du pur George Michael instantanément. This is How n'est pas autobiographique mais elle contient l'humour et l'auto-dérision qui le caractérise.

*Pour les 25 ans de l'album Listen Without Prejudice, Il a été demandé à Mark Ronson de remixer Freedom!'90, ce à quoi il a répondu "je ne peux pas le faire, ce serait comme retravailler Mona Lisa"

*DAFT PUNK a fait parvenir à George un catalogue de démos, sur lesquelles il pouvait potentiellement écrire. "Elles sont dans les archives de George. Il s'est rendu à Paris pendant deux semaines pour quelques sesssions. Quand il est revenu , je lui ai demandé "Alors ? et il m'a répondu "Ouais, j'étais assis sur un sac de haricots dans l'appartement de Guy-Manuel en mangeant des M&Ms"

Finalement George n'a pas apporté sa contribution à ces démos. Mais en tant que fan du groupe, il a puisé l'inspiration de cette expérience pour Freeek!, qui est officiellement co-écrit et co-produit par The Moogymen (certains fans avaient imaginé que les Daft Punk se cachaient derrière) , qui n'étaient autre que James Jackman et Ruadhri Cushnan!

*C'est l'admiration qu'avait George pour Kanye West qui lui a donné l'idée de retraiter sa voix : il l'a expérimenté en 2012 avec True Faith avec l'usage d'un autotune TC Helicon Voicelive 2, qu'il a également utilisé pour This Is How.

L'écriture ...
Même si George écrivait ses paroles, il discutait souvent de ses idées pour des chansons avec ses co-auteurs comme James Jackman, David Austin, James Douglas, Ruadhri Cushnan et son ingénieur du son de longue date Niall Flynn.

Quand George avait des difficultés avec ses paroles, nous discutions beaucoup, George était un homme très brillant, qui avait une conscience sociale, trés au fait de tout ce qui se passait dans le monde et de ce qui l'entourait. Les débats que nous avions déclenchaient quelque chose en lui, il aimait échanger.
Il fallait être costaud. George esquissait une idée, vous la laissait pour travailler dessus mais le jour suivant il revenait et laissait tout tomber. C'était souvent un lent processus - on travaillait sur une idée pendant des semaines et cette idée serait abandonnée -
J'étais honnête avec George. Il ne voulait pas être entouré de lèches-bottes. George devait être à l'aise avec vous, parce que quand vous travaillez 70 heures par semaine avec quelqu'un, vous devez lui faire confiance créativement et techniquement. Il est arrivé que je participe à un titre et une fois à la radio George me disait " Je t'avais dit que ce passage devait être comme cela et pas comme ça, je n'aurais jamais du t'écouter!" mais il acceptait le positif comme le négatif et il avait un groupe de personnes de confiance, tout comme ses musiciens" James Jackman

George était quelqu'un de très privé, une fois qu'il avait établi une relation, cela comptait beaucoup pour lui.
George était presque encore un enfant quand il a connu le succès, il devait être prudent. Alors vous avez besoin d'amis proches avec qui vous pouvez rigoler derrière des portes closes en sachant qu'ils seront discrets.
George avait un impitoyable sens de l'humour, il était capable de rire de lui-même

James Jackman

George en studio ...

Pendant les 19 dernières années,  James a côtoyé George plus que tout le monde excepté sa femme et ses 2 enfants. "Travailler avec George, c'est comme être un médecin de garde. Avant que j'ai mes enfants, j'étais dans les Cornouailles avec ma femme et j'ai reçu un appel de George "Ou es tu ? Tu peux revenir travailler ? j'ai une idée " ou le manager de George appelait le 2eme jour de ma semaine de repos. Mais on savait que c'était George, si il avait cette occasion, il fallait y être. Il y a eu des périodes de plusieurs semaines sans un seul jour de repos."

George aimait bien travailler à la maison. Travailler dans des studios commerciaux lui coûtait cher , il réservait un studio mais, s'il ne se sentait pas, il n'y allait pas pendant 5 jours. Mais il n'a jamais compté l'argent, c'était toujours la musique avant tout.

Voir George au travail valait la peine de quitter la vie normale. Facile à vivre et amusant, il est aisé d'imaginer James être calme dans un studio " c'était comme n'importe quel boulot : pendant 95 à 98% du temps c'était très plat. Vous êtes là à vous gratter le cul pendant que George réfléchit ou passe des heures à essayer de trouver le bon son. Nous avions des caméras dans le studio pendant un temps, peut-être pour d’éventuels documentaires. Mais David et George ont visionné les images et c'était si ennuyeux !!! Mais ça valait le coup pour ces 3 à 5 % de moments d'inspiration, parce que vos poils se dressaient à l’arrière de votre coup. "

"Quand une chanson était créée, c'était incroyable d'y assister, parce que vous étiez en train de regarder un des plus grands auteur-compositeur-interprete que ce pays ait jamais connu à son plus haut niveau , c'était magique de faire partie de cela"

 

Utiliser l'auto tune ...

George était conscient de la controverse autour de l'utilisation du vocodeur sur un chanteur avec une si belle voix "les gens pensaient que la voix de George était si sacrée qu'il ne fallait pas y toucher, mais il était juste créatif, il était très frustré que les gens n'acceptent pas qu'il prenne une autre direction"

"George était déçu que les gens ne comprennent pas qu'il voulait être plus expérimental. Cela aurait été beaucoup plus facile pour lui de sortir des ballades mais il voulait s'étirer artistiquement. Sur son dernier album, il a expérimenté sa voix sur certaines chansons, mais il y en aurait eu aussi beaucoup avec sa voix pure."

DANS LES COULISSES D'UN CREATEUR DE GENIE * GEORGE MICHAEL *

Nous étions devenus très proches.
George a laissé un immense vide dans ma vie professionnelle et personnelle.
Il m'est difficile d'écouter sa musique.
Mais nous avons la chance d'avoir tout son héritage musical.
C'est fantastique d'entendre ces titres inédits et je crois que George serait heureux et humble devant ce déferlement d'amour qu'il reçoit à titre posthume.

James Jackman

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Rédigé par Frédérique

Publié le 24 Mars 2020

Vous savez que j'aime particulièrement publier des témoignages de professionnels ayant eu la chance d'approcher et de travailler avec George Michael :  je vous propose aujourd’hui une interview toute récente de Ken Barrows, cameraman américain ayant participé au tournage du clip de George Michael pour le titre A Different Corner.

Un immense MERCI à Romain, grand fan de George Michael qui a été en contact avec Ken Barrows :  il l'a interviewé et partage avec nous ici leurs échanges.

Dans les coulisses du clip de A Different Corner :

Entretien avec le caméraman Ken Barrows

Ken Barrows est un caméraman américain installé depuis plus de quarante ans en Californie. Il commence à travailler dans l’audiovisuel en 1979, puis c’est à partir de 1981 qu’il se spécialise dans les clips vidéo. Il a participé à des tournages pour des chansons marquantes des eighties comme Like a Virgin de Madonna (1984), Reggae Night de Jimmy Cliff (1984), Everybody Wants to Rule the World de Tears for Fears (1985), Sign o' the Times de Prince (1987), Political World de Bob Dylan (1989) : et la liste est encore longue (l’ensemble des clips auxquels il a participé se trouve sur le site IMVDb) ! Aujourd’hui, Ken Barrows continue toujours de tourner des clips, parfois comme réalisateur, et travaille également pour la télévision. Il a très gentiment accepté de répondre à nos questions sur le tournage du clip de A Different Corner de George Michael auquel il a bien évidemment participé en mars 1986.

 

  • Où le tournage s’est-il déroulé et combien de temps a-t-il duré ?

Ken Barrows : Nous avons tourné à Los Angeles. Je crois que c’était aux Raleigh Studios, à Hollywood, mais je n’en suis pas sûr. Ça nous a pris une journée entière, environ douze ou quatorze heures.

  • Quel était exactement votre rôle et qui était présent sur le plateau de tournage ?

K.B. : L’équipe technique se composait à peu près d’une trentaine de personnes. Je m’occupais exclusivement de la caméra avec deux assistants. Je crois me souvenir que le réalisateur était Duncan Gibbins. Par contre, je me rappelle très bien du directeur de la photographie qui était britannique : il s’appelait David Watkin. Il venait tout juste de remporter un Oscar pour le film Out of Africa avec Meryl Streep.

  • Les images de ce clip sont assez particulières. Tout est blanc autour de George Michael. Comment cela a-t-il été rendu possible au niveau des lumières ?

K.B. : Le noir et blanc semblait revenir à la mode, ça donnait un petit côté « rétro ». Je trouve qu’il convenait  bien pour cette chanson, il aurait été peut-être moins approprié pour l’univers assez coloré de Madonna à cette époque. Le clip de George Michael a été tourné sur une pellicule 35 mm de la marque Kodak Plus-X spécialement conçue pour le noir et blanc. David Watkin a ensuite utilisé de larges lumières pouvant créer des ombres assez douces. Vous voyez le grand mur derrière George ? Il était recouvert de réflecteurs blancs qui renvoyaient une lumière d’à peu près 8 000 ou 10 000 watts suspendue au-dessus du plateau. Je crois me souvenir qu’il y avait aussi un imposant projecteur émanant de la fenêtre derrière George pour pouvoir avoir une lumière blanche.

A DIFFERENT CORNER * DANS LES COULISSES DU TOURNAGE DU CLIP AVEC KEN BARROWS *
  • Et au niveau de la mise en scène ?

K.B. : Je sais que j’ai utilisé une caméra Louma, surtout lorsque nous voyons George en plongée (c’est-à-dire vu d’en-haut). C’était difficile car en 1986, on vivait les débuts du clip vidéo et notre matériel n’était pas forcément à la pointe de la technologie. En plus, on tournait en noir et blanc ! Tout ce que je pouvais voir derrière mon œilleton c’était une grande

surface blanche et des contours grisâtres qui me permettaient de reconnaître le visage de George. Ça demandait une grande concentration pour les mouvements de caméra parce qu’on ne pouvait pas vraiment se repérer dans tout ce décor blanc !

  • Ce clip ne semble pas avoir été trop onéreux en terme de budget semble-t-il ?

K.B. : Oui, il reste très simple dans sa forme. Je ne suis pas spécialiste dans ce domaine, mais les clips avaient à l’époque un aspect promotionnel et commercial avant tout.

  • Comment s’est passé le tournage pour George Michael ?

K.B. : Les gens qui dirigeaient le tournage savaient exactement ce qu’ils voulaient. Tous les mouvements de George étaient quasiment chorégraphiés, notamment le plan avec le téléphone. Tout semblait avoir été écrit à l’avance pour faciliter le travail de George, qui savait exactement quoi faire sur le plateau. Du coup, il n’était pas forcément libre pour interagir avec l’équipe technique, mais j’ai quand même pu échanger quelques mots avec lui.

  • Avez-vous été satisfait du résultat final ?

K.B. : Quand je l’ai regardé pour la première fois, j’étais assez content du résultat. J’adore le noir et blanc. Certaines images que j’avais aimé tourner avec George ont été coupées au montage, mais je n’avais pas mon mot à dire ! Ça fait partie du métier : même si ce sont des images que vous adorez, elles seront certainement condamnées à rester aux oubliettes...

  • Quels souvenirs gardez-vous de cette époque ?

K.B. : J’adore la musique et j’ai vraiment passé de bons moments en travaillant sur ces tournages. Je continue toujours de participer à des clips, mais ça n’a plus rien avoir, car ils ne sont plus aussi importants aujourd’hui. L’industrie musicale a changé de stratégie à ce niveau-là. Lorsqu’un groupe sortait un album à l’époque, il partait en tournée et sortait un clip pour en faire la promotion. Les artistes n’avaient d’ailleurs pas toujours envie d’être sur un plateau de tournage entre deux dates de concert ! À l’heure d’internet et du streaming, peu de gens achètent encore des albums et les groupes gagnent essentiellement leur vie en faisant des spectacles. Les labels discographiques n’ont pratiquement plus de budget pour les clips et les artistes doivent investir leur propre argent s’ils veulent en faire un. Le business a changé.

 

Entretien téléphonique et traduction menés le 20 mars 2020 par Romain.

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Rédigé par Frédérique